Les Japonais ne savent plus où aller se réfugier
A chaque tir de missile nord-coréen le gouvernement japonais demande aux citoyens d'aller se protéger dans un immeuble stable ou un sous-terrain.
«Réfugiez-vous dans un immeuble stable ou un sous-sol», lance le gouvernement japonais à chaque nouveau tir de missile nord-coréen. Mais ce message laisse pantois nombre de citoyens, bien en peine de disposer de tels locaux.
La plupart des nombreuses maisons individuelles japonaises sont en bois, sans fondations profondes ni cave. Et dans les zones rurales, il n'y a bien souvent aucun bâtiment en béton. Si bien que beaucoup de Japonais se sentent totalement impuissants face à la menace.
Le propriétaire d'un restaurant de sushi à Erimo, sur l'île de Hokkaido, affiche son désarroi: «Le gouvernement nous dit de nous abriter dans un bâtiment stable ou souterrain, mais il n'y en a pas ici. Nous n'avons d'autre choix que de ne rien faire. Effrayant, oui, mais nous sommes démunis».
Les sirènes du système J-Alert ont beau retentir et les téléphones mobiles relayer les conseils des autorités, les Japonais restent interdits. Ne disposant que de quelques minutes pour se mettre à l'abri, ils ne voient pas ce qu'ils peuvent décider de plus que rester chez eux, faire le gros dos et attendre que le missile passe.
Peur insidieuse
Des exercices sont conduits régulièrement dans des écoles et lors de sessions organisées par des autorités locales, mais d'aucuns se demandent si cela a bien un sens. Les mises en scène des médias sont aussi particulièrement angoissantes.
«Quand je pense que j'aurais pu mourir en dormant», s'est exclamée vendredi une employée de bureau interrogée par l'AFP dans les rues de Tokyo, quelques heures après le tir de missile nord-coréen. Elle a appris la nouvelle au réveil, comme beaucoup de ses compatriotes. «Tous les jours, j'ai peur», assure-t-elle. Elle dit «espérer une solution politique» à la crise qui ébranle la péninsule coréenne. Un sondage de la chaîne publique japonaise NHK, effectué entre les 8 et 10 septembre, montre que 52% des Japonais se disent «très inquiets» face à la menace que représente la Corée du Nord, et 35% «plutôt inquiets». Seulement 2% ne se font aucun souci.
Les abris ont la cote
Le gouvernement martèle que sa priorité est de protéger les citoyens. Il assure renforcer ses moyens de défense avec un budget en hausse. Mais beaucoup n'ont pas confiance dans les capacités du pays à détruire en vol un missile qui menacerait directement les zones habitées.
La preuve: le fabricant d'abris Oribe Seiki Seisakusho, basé dans la ville de Kobe (ouest), est sans cesse sollicité ces derniers temps. «Quand les sirènes J-alert retentissent, les gens ne savent pas où s'enfuir», confirme une dirigeante de l'entreprise. Malgré le prix (environ 220'000 francs pour un abri de 13 personnes), les requêtes viennent de «familles qui construisent de nouvelles maisons et de propriétaires de petites entreprises, qui souhaitent des abris pour leurs employés à proximité de leurs locaux».
Flegme sud-coréen
A Séoul, en revanche, on est habitué. Les Sud-Coréens vivent sous la menace d'une attaque du Nord depuis des décennies et gardent leur attitude flegmatique face aux provocations de Pyongyang.
Lorsque s'y tiennent des exercices de défense civile, les autorités ont bien du mal à attirer les citoyens dans les abris souterrains.
Donc le train-train a continué dans la capitale sud-coréenne vendredi. «Pour moi, c'est comme d'habitude. Le Nord montre ses forces pour obliger les Etats-Unis à négocier. Il ne va pas lancer de missiles sur nos têtes», affirme un ex-homme d'affaires.
La fréquence accrue des tirs de missiles et essais nucléaires de la Corée du Nord entame néanmoins un peu la sérénité affichée. Après le test de bombe atomique du 3 septembre dernier, la galerie marchande en ligne Ticket Monster a vu ses ventes de trousses d'urgence décupler.