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Le gros (mais discret) cadeau du gouvernement aux « grands élus »


On aurait pu le qualifier de cadeau de Noël, tant le timing y ressemblait. Il est très tard dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 décembre 2017 quand le gouvernement, par l’intermédiaire de son ministre de l’Action et des Comptes Publics Gérald Darmanin, dépose un amendement (1) à l’article 45 TER A du projet de loi de finances 2018. Et plus encore que le timing, c’est la méthode qui interroge. En effet, il n’a pas été présenté en commission et vient s’ajouter au bout de la nuit, en toute fin de discussion du texte. Et que contient-il alors cet amendement ?! Ni plus ni moins que la possibilité, pour les maires des villes de plus de 100.000 habitants, les présidents de métropoles, de conseils départementaux et régionaux, d’augmenter leur rémunération de… 40%, soit la porter de 5512 à 7716 euros brut mensuel ! Un amendement qui a surpris (c’est le moins que l’on puisse dire) et pris de court plusieurs députés présents, comme le parlementaire UDI Charles de Courson: « Est-ce que c’est tout à fait conforme au principe de transparence ? J’entends déjà les commentaires, ils augmentent leur rémunération nuitamment. »

 

En réalité le gouvernement a repris à son compte et modifié un amendement déposé par un sénateur quelques jours plus tôt (2). Étonnant de la part de la majorité, qui n’hésite pas normalement à abroger les amendements votés par la chambre haute du parlement. Principale modification apportée, l’inclusion de cette augmentation potentielle dans l’enveloppe déjà allouée à la rémunération des élus. Plus clairement, si le maire ou président de région fait voter une augmentation de son indemnité, elle se fera au détriment des autres élus du conseil ou de l’assemblée. Sauf si bien sûr, le plafond de cette enveloppe n’était pas atteint auparavant. Une question se pose alors, pourquoi un tel cadeau aux « grands élus » ? Il y a deux raisons principales à cela. Premièrement, depuis juillet 2017, les élus ne peuvent plus cumuler un mandat exécutif local avec celui de député ou de sénateur (3). Une situation qui a conduit nombre d’entre eux à ne pas briguer un nouveau mandat législatif en juin dernier. Pour d’autres, cela a donné lieu à des situations pour le moins « cocasses », comme à Drancy où le député et président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde a cédé le fauteuil de maire à… son épouse (4). Bref, qui dit non-cumul des mandats dit, bien évidemment, baisse substantielle des rémunérations pour ces nantis du système politique français, peu habitués aux « efforts financiers » Deuxième raison, la colère gronde dans les collectivités territoriales après la baisse des dotations de plus de 300 millions d’euros en 2017 (5) et, la suppression progressive de la taxe d’habitation inquiète, en particulier dans les communes de plus de 100.000 habitants. Quoi de plus efficace alors, pour étouffer une fronde, que d’en corrompre les leaders ? Il est par conséquent assez aisé de comprendre que le gouvernement avait tout intérêt à offrir aux barons de la politique locale, la possibilité d’augmenter leurs rémunérations. Restait donc à savoir dans quelle mesure cette majoration allait être appliquée dans les faits. Et nous avons eu un premier élément de réponse fin janvier du côté du conseil départemental du Puy-de-Dôme, où Jean-Yves Gouttebel, son président, a fait voter une augmentation de 40% de son indemnité. « Une stricte application de la loi » selon lui. Tiens donc, ce n’est pas exactement ce que l’on avait compris. Au moins cette augmentation a eu le mérite de faire réagir le JT régional.

 

Il est important de noter que ce « cadeau » s’est fait au détriment des autres élus de l’assemblée qui verront leur indemnité amputée de 40€ par mois. C’est un fait, cet amendement permet aux élus locaux les plus riches de gagner encore (beaucoup) plus sur le dos des simples conseillers. Dans le même temps, les maires des petites communes dont 50% touchent 658€ brut par mois pour un travail conséquent, sont les grands oubliés de cette mesure (6)… Comme un air de déjà-vu ! Une nouvelle fois le gouvernement d’Emmanuel Macron confirme sa fâcheuse tendance à répartir les richesses de façon toujours plus inégalitaire, y compris sur le terrain de la rémunération des élus.

Références : 1. Amendement 544 à l’article 45 TER A : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0485/AN/544.pdf 2. Le Sénat augmente de 40% le salaire des maires des grandes villes et des présidents de collectivités : https://www.publicsenat .fr/article/politique/le-senat-augmente-de-40-le-salaire-des-maires-des-grandes-villes-et-des-presidents 3. Cumul des mandats : une pratique restreinte à compter de 2017 : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/cumul-mandats-2017/cumul-mandats-pratique-restreinte-compter-2017.html 4. Drancy : Jean-Christophe Lagarde laisse le fauteuil de maire à son épouse : https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/seine-saint-denis/drancy-jean-christophe-lagarde-laisse-son-fauteuil-maire-sa-femme-1320915.html 5. Pour Carole Delga, la baisse des crédits aux collectivités est un “signal très négatif” : https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/carole-delga-baisse-credits-aux-collectivites-est-signal-tres-negatif-1306129.html 6. Communiqué de l’Association des Maires ruraux de France : http://www.amrf.fr/Presse/Communiqu%C3%A9s/tabid/1225/ID/1149/27-decembre–INDEMNITES-DES-ELUS.aspx

Source LIBREACTU

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