Macron et la presse, saison 2 : Jupiter remisé au placard
Le chef de l’Etat s’est soumis mardi 13 février au soir au feu des questions des médias pendant près de deux heures. Un choix inimaginable il y a encore quelques mois.
Plus question de faire la leçon aux journalistes ! Emmanuel Macron a esquissé mardi soir un nouveau chapitre de sa relation avec les médias, délaissant le ton professoral usité lors de ses vœux à la presse au tout début du mois de janvier. Le chef de l’Etat répondait à l’invitation de l’APP, l’association de la presse présidentielle qui a coutume de recevoir les présidents une fois l’an. Emmanuel Macron a finalement accepté de se plier à cette tradition, comme il s’était résolu à présenter ses vœux aux Français à la télévision le 31 décembre.
Pendant près de deux heures, il s’est soumis aux questions les plus diverses. Il ne s’agissait pas de confidences - il n’en est d’ailleurs pas sorti de réelle annonce - mais d’un exercice de pédagogie globale, dépassionné. De l’inédit depuis qu’il est entré à l’Elysée. Jusque-là, le Président s’efforçait de tenir la presse à bout de gâche, obsédé par sa volonté de ne pas reproduire les errements de ses prédécesseurs, caractérisés par l’ironie bavarde de François Hollande et la rudesse interventionniste de Nicolas Sarkozy.
Début janvier, Emmanuel Macron avait bien envisagé de répondre à quelques questions à l’issue de ses vœux à la presse. Son entourage l’en avait dissuadé : « Il aurait pris quatre questions et se serait mis à dos tous ceux qui n’avaient pas pu s’exprimer », observe-t-on au Château. Le Président avait donc opté pour une forme de sélection darwinienne. Se lançant dans la salle des fêtes de l’Elysée et s’entretenant avec celui ou celle qui parviendrait à affronter la meute et s’approcher de lui. « Ce n’est pas dur, si les journalistes veulent capter son attention, il suffit de le contredire », s’amusait alors l’un des premiers marcheurs.
Discussion sans tension
Ce mardi soir, face aux adhérents de l’association de la presse présidentielle, caméras et micros éteints, Emmanuel Macron a donc accepté de répondre à tous et sur tout. Sans s’agacer, sans s’offusquer des relances de ses hôtes. Rendant même une forme d’hommage à la capacité d’autorégulation de la presse, sur les fake news mais également à propos du débat animé sur l’opportunité pour le journal Ebdo de publier une enquête visant Nicolas Hulot.
Que restera-t-il de ces deux heures de discussion sans tension ? Sa mise en garde contre une « République du soupçon », toujours à propos de l’affaire Hulot. Pour lui, « le but des contre-pouvoirs comme la presse ne doit pas être de détruire ceux qui exercent le pouvoir ».
"Je suis le fruit d'une forme de brutalité de l'Histoire"
Mais aussi quelques confirmations : un service universel obligatoire de 3 à 6 mois va être créé ; le texte de la révision constitutionnelle devrait être prêt au printemps ; la France frappera en Syrie « si elle a des preuves avérées que des armes chimiques proscrites sont utilisées contre les civils » ; et il espère une recomposition politique au Parlement européen à l’image de celle que la création de son mouvement En Marche a à la fois accompagnée et suscitée en France. Un aveu d’échec à propos de sa promesse de ne plus voir personne dans la rue d’ici la fin de l’année. Et enfin cette analyse : « Je ne suis pas l’enfant naturel de temps calme de la vie politique. Je suis le fruit d’une forme de brutalité de l’Histoire ».
Ces presque deux heures de discussion apparaissent aussi comme le reflet de la faiblesse structurelle, mais voulue, du macronisme. Si le chef de l’Etat a accepté de se plier jusqu’au bout à cet exercice si peu jupitérien, c’est justement parce que tout, absolument tout, procède de lui. Et au moment où son quinquennat connaît ses premiers soubresauts, il n’a pas d’autre choix que de se livrer en personne à ce type de séance d’explication tous azimuts.
Source MARIANNE